Courrier des Cocottes

Lettre N°14 : Dis, combien je la vends ma bouteille Jojo ??

Dis, combien je la vends ma bouteille Jojo ??

Quand on passe l’hiver à tailler dehors à 3 degrés, à élever ses vignes, les bichonner, à travailler ses sols ; qu’on passe des heures dans la cave à œuvrer, parfois 14h par jour pendant les vendanges, à faire le vin, à l’observer, le surveiller ; qu’on met son amour et son savoir-faire dans la bouteille et qu’on te confirme « Mmh, comme il est bon ton vin ! » Jojo, je te le demande, à quel prix je la vends ma bouteille !?

C’est que j’y comprends plus rien. Les gens, ils veulent le bon au prix du pas cher, donc du moins bon. Même que des fois on trouve du bon pas cher !  Si, si ! parce que certains baissent leur prix pour être présents dans les grandes surfaces, chez les cavistes ou les restaurateurs, qui prennent une marge au minimum de 3x ton prix hors taxe. C’est pas possible.

Tu sais ce que m’as dit un restaurateur l’autre jour ? Que mes vins étaient trop chers ! Je pouffe. C’est pas mes vins qui sont trop chers, c’est sa marge ! Il fait plus de bénéfices que moi sur ma bouteille alors qu’il ne fait que la servir ! C’est du délire.

Et parce que certains vendent leur bon vin sacrifié sur l’autel du prix le plus bas, ça pousse tous les bons à s’aligner pour être vendus, sinon ils nous prennent plus. C’est ingrat et ça montre qu’on ne connaît plus le prix ni la valeur des bonnes choses.

Et si les bons vins sont vendus au prix des pas bons – parce qu’en y a, et une flopée ! – dis-moi, est-ce que le pas bon doit encore descendre plus bas !? Déjà que les consommateurs boivent moins d’alcool, ne devraient-ils pas chercher à boire mieux ? Ah oui pardon ! j’oubliais qu’on commence à faire du vin sans alcool… Aïe, aïe, aïe.

Tu veux que je te dise !? On ne respecte plus le métier, ni le produit, ni même le vigneron. Dans ma production, la qualité est toujours là mais j’en ai moins à cause de la sécheresse. Et avec les pertes de récolte et les coûts de production qui flambent, le vin devrait suivre la tendance à la hausse, inflation oblige, pour qu’on s’en sorte ! Sinon je te le dis Jojo, les vignerons vont finir sous les ponts !

Donc pour résumer j’ai un produit de qualité, qui plus est en petite quantité. J’ai donc un produit rare, un produit d’exception ! Alors selon les lois du marché, je devrais le vendre plus cher qu’avant mon vin, non !? Oui ? On est d’accord.

Marion Gisquet

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